#23 Entretien privilégié - Antoine Prax
Voyage au cœur des compositions géométriques avec l'architecte Antoine Prax
À peine sorti de l’École Spéciale de l’Architecture fin 2014, ce Parisien monte à 26 ans l’agence d’architecture et de design GRAMME avec l’un des copains de sa promo, Romain Freychet. Ensemble, ils « maîtrisent les projets de A à Z », que ce soient des refuges islandais, des bureaux pour Black Lemmon et Atelier B, une maison de santé, des boulangeries ou une villa à Abidjan. En définitive, rien ne résiste à ce duo, qui privilégie avant tout
l’intelligence du dessin, le respect de la matière et le bleu.
1- Comment t’est venu ce goût pour l’architecture et le design ?
C’était soit la médecine soit l’architecture… Non en réalité, je me suis découvert cette passion pour l’architecture grâce à l’importance que j’attachais au regard. J’étais perpétuellement dans la compréhension de la ligne et du dessin, à me demander comment combiner la rationalisation et l’esthétisme.
2- Comment définirais-tu le style de GRAMME ?
On a tendance à privilégier l’économie de moyens et de concepts. En fait, notre vision relève davantage de la géométrie et de la composition. Pour chaque projet, on choisit de développer soit un matériau soit une idée forte, et on essaye de rationnaliser le projet autour de ça.
3- D’où viennent vos inspirations ?
Il y a pas mal de courants en architecture. À l’agence, on est plus sur une école belge ou suisse, soit brut et rationnel. Ce qu’on aime, c’est changer la façon dont les matériaux sont utilisés à l’origine. Mais il est déjà arrivé que nos inspirations soient plus futiles, comme la couleur que nous avons attribuée à notre premier projet, le bleu, en référence à la couverture de l’un de nos bouquins d’école. Depuis, on en dissémine un peu partout et GRAMME a fini par être « fiché bleu ».
4- Quelle est la matière avec laquelle vous préférez travailler ?
On utilise beaucoup le bois, le métal, la résine minérale… Enfin des matériaux génériques souvent liés à l’industrie. On bosse aussi pas mal avec les matériaux plastiques, comme du PVC extrudé. Tout l’intérêt, c’est de développer pour chaque projet une identité qui lui est propre, avec des matériaux qui lui sont propres.
5- Dans 20 ans, comment imagines-tu GRAMME ?
En plus de notre agence parisienne, j’aimerais qu’on ouvre des bureaux au Japon et à Copenhague. L’idée est de continuer à répondre présent à toutes les demandes, aussi diverses soient-elles. Depuis le début, on a fait des restos, des apparts, des bureaux, une maison de santé… Là, on va commencer un labo d’agroalimentaire. On a également fait des boulangeries, une à Paris, une à Tokyo, une prochaine à Rabat.
6- Parle-nous de l’un des projets sur lequel vous planchez actuellement ?
On travaille en collaboration avec l’agence VORBOT pour réaliser des postes de secours sur la plage, en partant du principe que c’était un programme qui n’avait jamais été réellement pensé sur le littoral français.
7- Et jusqu’à ce jour, quel projet as-tu préféré réaliser ?
Les bureaux de la Mutuelle du Ministère de la Justice, à Paris, car on a réussi à rester cohérent du début à la fin, en respectant le programme établi à la base. Avec le client, on est parvenu à composer à l’aide de seulement quelques matériaux : du PVC, du liège pour le sol, de la maille performée pour les cloisons, de la résine pour la table de réunion…
8- Quel est le truc le plus loufoque que tu aies conçu ?
Parallèlement à GRAMME, j’ai monté avec mon associé et deux autres personnes, la société TRONE qui réinvente le design du WC, un genre qui n’avait grosso modo pas été touché depuis près de 150 ans. Ce qui est intéressant, c’est qu’on propose de les personnaliser alors qu’actuellement, il est juste possible de choisir entre du noir et du blanc. Récemment, on a par exemple designé les toilettes du food court de la Station F pour Big Mamma. Il y a un peu de tout, de l’épuré, de l’extravagant… Dans certains cas, il s’agit presque d’une expérience.
9- Si tu pouvais dessiner la maison de tes rêves, pour quoi tu opterais ?
Le strict minimum, à savoir une seule pièce avec au sol un bloc multifonction qui oriente et programme l’espace autour de lui. Tout ce qui est technique – l’eau, l’électricité – serait dissimulé dans le toit, le tout perdu au milieu d’une nature abondante. C’est une idée inspirée du projet d'Ishigami et de No-Stop City, une utopie rêvée par Superstudio & Archizoom, un groupe de réflexion d’architectes italiens sur l’espace total, dans les années 70.
10- Dresse-nous ton top 3 des meilleures adresses design ?
Selon moi, l’intérêt est d’aller à la source, c’est-à- dire rencontrer et discuter avec le designer pour comprendre ses intentions. Du coup, je préconise la Paris Design Week, la Triennale de Milan et le Festival du Design D’Days à Paris.
PARIS DESIGN WEEK - SEPTEMBRE 2017
TRIENNALE, MILAN - DEC/MARS 2018
DESIGN D'DAYS, PARIS
11- Quel le dernier objet que tu t’es offert ?
J’ai récemment succombé pour un tourne-disque datant des années 50, imaginé pour Braun par Dieter Rams et Hans Gugelot.
12- Et si tu avais un compte en banque illimité, pour quelle pièce tu craquerais ?
Une Jaguar Type E verte pour aller en rendez-vous clients.
13- Si tu devais convier trois architectes à ta table, qui seraient-ils ?
Le Japonais Ryue Nishizawa pour parler coques en béton, le Japonais Jun'ya Ishigami pour parler poteaux et plantes, et enfin l’architecte espagnol Ricardo Bofill pour parler textures et couleurs.